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Clik here to view.Le pédagogue Philippe Meirieu s’est souvent voulu pragmatique: sur son blog, il reprochait à Pestalozzi son goût pour les images mythiques – son spiritualisme. Dans son action politique, il a d’abord chanté les vertus du fédéralisme différencié, affichant l’idéalisme qui semblait être le sien à l’époque où, attaché à Jospin et au ministère de l’Éducation, il pensait faire une révolution pédagogique dans les collèges par l’intermédiaire des Instituts de Formation des Maîtres; mais cela a été un tel échec que, pour se venger, Sarkozy a fustigé avec les siens ce qu’il a appelé le pédagogisme, et a fermé ces Instituts. Quant à Philippe Meirieu, il a affirmé que si ses idées n’avaient pas marché, c’est parce que les enseignants ne les avaient pas assez appliquées! Une fois élu président du groupe écologiste à la Région Rhône-Alpes, il a pris ses distances vis-à-vis des régionalistes - notamment de Noël Communod, qu’il avait abrité dans sa liste...
Étudiant à l’Institut de Formation des Maîtres de Créteil, j’avais vécu de l’intérieur l’époque où on faisait de Meirieu une sorte de prophète, le dernier peut-être auquel la République ait cru…
Mais qu’il ait rejeté Pestalozzi et ait prétendu qu’il manquait de sens pratique m’a toujours laissé sceptique; car ce qu’on appelle pragmatisme revient souvent à se soumettre au dogme habituel, aux idées communément admises. Mais le réel ne leur correspond pas forcément. Philippe Meirieu proposait des idées nouvelles qui ne remettaient pas en cause les vieux présupposés. Cela a du sens pratique, du point de vue rhétorique: car lorsqu’on remet en cause les idées si anciennes qu’elles sont assimilées à des évidences, on n’est pas écouté. Mais il faut voir si, dans la sphère de la pédagogie, ce n’est justement pas ce qu’il faudrait faire - et ce qu’on ferait, si on avait du sens pratique. Et mon avis est que, en la matière, Pestalozzi en avait plus que Philippe Meirieu.
Comment d’ailleurs croire que ce dernier accepterait le régionalisme, alors que quand, à Lyon, un lycée privée musulman s’était ouvert, il s’est inquiété de la conformité de l’enseignement qui y serait livré avec les programmes nationaux? Car pour moi, il a toujours été évident qu’il fallait enseigner à l’école primaire non l’histoire des rois de France du Moyen Âge, comme les programmes le précisent, mais celle des princes qui ont concrètement gouverné le territoire où chaque école se trouve; or cela revenait, en Savoie, à étudier celle des comtes de Savoie, ou même, en Haute-Savoie, des comtes de Genevois et des sires de Faucigny.
Plus tard, les événements m’ont donné raison. Or, il faut le savoir, Pestalozzi partait du principe qu’il fallait s’appuyer sur l’environnement de l’élève, dans l’apprentissage; cela signifie bien qu’il faut, dans l’histoire, s’appuyer sur le territoire qu’il connaît, dont il a une perception immédiate. Pour moi, cela tombe sous le sens!
Mais l'idéologie abstraite, qu'en France on trouve si volontiers pragmatique parce que républicaine, l'empêche.