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Gaston Bachelard a écrit un jour qu’il fallait créer une pédagogie sur le modèle de la recherche scientifique telle qu’elle s’est faite selon lui dans l’histoire: laisser les élèves émettre des hypothèses, et les guider vers la bonne solution en les amenant à dépasser leurs erreurs. Cela est à présent appliqué en France: on le nomme la méthode inductive. Pourtant Bachelard regardait comme révolutionnaire une telle façon de procéder: il l’opposait à la méthode classique qui délivrait d’emblée la vérité. Au moins l’élève était créatif, assurait-il!
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Oui, mais n’est-ce pas pour mieux lui montrer à quel point ce qu’il fait de lui-même est dénué de sens? Ne peut-il d’autant plus se sentir humilié?
Mieux encore, Bachelard a prétendu que par ce biais on ne supprimait pas l’imagination chez les élèves: puisqu’on l’utilise. Mais il n’en reste pas moins que c’est pour démontrer ensuite qu’elle est fallacieuse! Avec combien plus d’intelligence, en fin de compte, ils l’auraient supprimée d’emblée, et supplié le professeur de bien vouloir leur livrer l’idée vraie! Ils en seront peu à peu guéris, sans doute, de la propension à imaginer librement.
Car on est loin de la conception romantique qui voit dans l’imagination, si elle est disciplinée - si elle émane de la conscience intime, qui l’oriente -, une voie d’accès aux vérités spirituelles. Le ressort en est esthétique: il existe un lieu au sein duquel le beau se confond avec le bien et le vrai; les principes de l’harmonie mènent à la découverte des lois cachées de l’univers, tant morales que physiques. La science romantique allemande, à l’époque de Goethe, a constamment partagé cette idée. On postulait l’identité, par delà les apparences, de l’Art, de la Religion et de la Science: partant de trois points distincts, ils se rejoignaient dans un astre éclatant, par delà l’entendement humain.
On a pu prétendre que Bachelard participait du romantisme; mais il restait un classique. Il avait, sans doute, une sensibilité héritée de Rousseau qui attendait de l’élève plus de participation; il s’agissait de ne pas le laisser inactif. Comme il était actif naturellement, il fallait capter son énergie vers une vérité que l’enseignait au fond connaît d’avance. On conseille l’initiative; mais il s’agit de retrouver avec enthousiasme l’idée que le maître a dès le départ en s’imaginant l’avoir trouvée tout seul! De cette sorte, plus besoin de punir les élèves: il était conduit par sa propre énergie vers l’endroit prévu.
Cela rappelle ces récits au sein desquels un magicien rusé fait aller où il veut un homme inconscient de sa présence, ou de ce qu’il a semé sur sa route et qui le fait réagir comme il l’a prévu; s’il ne le fait pas, cependant, il devient l’ennemi de la société! S’il est aussi libre qu’il peut l’être, il se tourne contre ses maîtres!
En vérité, l’élève vibre intérieurement grâce à des images fortes: si elles l’enthousiasment, il peut rester calme, paisible - et n’éprouver, en travaillant, aucune fatigue. Il met son énergie dans ce qu’elles représentent pour lui, et elles le nourrissent en retour, possédant leur force propre. Or, on peut, justement, présenter des lois morales, ou physiques, de cette façon. À mes yeux, on doit, même, le faire: c’est la pédagogie qui sied, et est réellement héritière du romantisme.