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J’ai lu une thèse de doctorat de Jean-Charles Détharré, imprimée par Pierre Plancher en 1979, L’Enseignement en Savoie sous le Buon Governo (1815-1848), et elle est passionnante: elle révèle un million de choses fascinantes sur la Savoie ancienne. Sa spécificité était que l’Église catholique dirigeait complètement l’éducation, et que cela ne créait aucune sorte de conflit: tout le monde l’acceptait. Les rares qui étaient dans le cas contraire devaient partir: en général pour Paris, ou Lyon. Ce fut le cas du jeune Jean-Pierre Veyrat, avant qu’il ne se ravise, et, plus tard, de Pierre Lanfrey.
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Bien que Turin eût énoncé des lois qui tendaient à uniformiser l’enseignement dans tout le royaume, les moyens étaient trop faibles pour qu’ils soient rigoureusement imposés. Le gouvernement avait créé un Conseil de la Réforme destiné à appliquer localement ces lois; or, constitué de notables savoyards, il tendait en réalité à servir de tampon entre la réalité locale, laissée essentiellement libre, et les injonctions turinoises.
L’éducation primaire était gratuite, mais elle n’avait pas officiellement de caractère obligatoire pour les familles: les prêtres seuls tançaient celles-ci. Les communes en revanche étaient contraintes par la loi de créer des écoles. Dans les montagnes, l’habitude d’effectuer des études primaires était telle que le taux d’alphabétisation était bon; dans les plaines - l’avant-pays -, il ne l’était pas. Les montagnards, depuis longtemps, avaient un grand sens de la communauté, et, sans seigneurs pour les asservir, mais animés culturellement autour de l’église, ils promouvaient l’instruction - l’Église de Savoie estimant que celle-ci était importante pour la religion même: il s’agissait d’y faire pénétrer la raison. On concevait, en effet, que la raison naturelle était en lien spontané avec la conscience morale, qu’elle ne s’opposait aucunement à elle. À coup sûr, Rousseau, dans La Profession de foi du vicaire savoyard, n’a fait que reprendre cette idée - très présente chez François de Sales, qui regardait l’âme comme appartenant par nature au Ciel - comme participant concrètement, par sa cime, de la divinité.
On se défiait toutefois de la converse. En théologie (dans l’enseignement secondaire), on recommandait de s’en tenir à Thomas d’Aquin, et de rejeter tous les points qui depuis ont fait polémique, en particulier l’infaillibilité du pape. On se référait au catholicisme médiéval, et on ne voulait pas réellement enseigner la rhétorique - l’art oratoire. En cela on s’opposait à la France. La seule argumentation pratiquée était celle prouvant l’existence de Dieu, suivant le modèle, non de Descartes dans les Méditations métaphysiques, mais de saint Anselme dans son Proslogion: François de Sales en avait fait l’éloge parce que l’argumentation n’y était qu’un moyen de donner un socle intellectuel à l’âme, celle-ci devant ensuite s’enflammer d’autant plus fortement. La science était au service de la foi!