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L’éducation en Savoie (suite): "toute science mène à Dieu"

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J’ai dit avoir lu une thèse de Jean-Charles Détharré sur L’Enseignement en Savoie sous le Buon Governo. Il y apparaissait que la science et l’art oratoire n’y étaient pas pratiqués pour eux-mêmes, mais étaient mis au service de la morale et de la foi.
 
Un autre trait qui le marque est que la physique était conçue comme devant amener le chercheur à déceler Dieu dans les phénomènes: à déceler l’auteur de la nature. Là encore, on croirait lire La Profession de foi du vicaire savoyard de Rousseau. Et quoi de plus logique? Si le philosophe genevois s’est appuyé sur deux prêtres savoyards à la fois, pour rédiger son opuscule, c’est que la Savoie était généralement soumise à ce régime. François de Sales, de fait, avait justement recommandé de lire les phénomènes de la nature: ils étaient une écriture divine, et l’esprit de Dieu s’y voyait. L’univers avait une vie morale, et il fallait être capable de la saisir.
 
Un autre trait remarquable encore de l’enseignement de l’ancienne Savoie est que, dans sa partie secondaire, au collège, le programme contenait, pour la première année, un cours de mythologie, pour la seconde, un cours d’histoire religieuse. On estimait cela indispensable: la mythologie et la Bible enseignaient elles aussi à déceler la main de Dieu dans la nature et l’histoire même. Tout prenait vie, au sein de l’univers. L’histoire profane, elle, n’était pas mentionnée; elle était intégrée au cours de mythologie!
 
La littérature de la Savoie d’alors porte naturellement la marque de cette éducation. Toute science mène à Dieu! disait le cardinal Billiet, un des fondateurs de l’Académie de Savoie. Or, on la cultivait davantage que dans les temps antérieurs à la Révolution: sur ce point, on était dans l’héritage des Lumières. Mais on voulait désormais un encyclopédisme chrétien; sans le savoir, on épousait les vues de Novalis et Frédéric Schlegel.
 
Les tentatives de procéder dans ce sens ont sans doute manqué de moyens: les subventions et donations étaient faibles. Les familles, dans l’enseignement secondaire et supérieur, devaient livrer un minerval - une somme d’argent: le terme venait des anciens Romains et de Minerve. Car l’enseignement, dans la Rome antique, était entièrement libéral; les familles donnaient directement l’argent aux professeurs, et c’était assimilé à un don à la déesse de l’intelligence - dont les professeurs étaient les prêtres - ou l’oracle.
 
En Savoie, seuls les élèves pauvres ayant brillé par leurs qualités étaient exempts de frais de scolarité. Néanmoins, les Mémoires de l’Académie de Savoie contiennent des traités philosophiques et scientifiques de haute volée, pleins d’une pensée mâle et ferme, et, parfois, d’imagination; car on essayait de percer le secret de la nappe qui sépare le divin au sens absolu des phénomènes physiques: l’invisible, où se tenaient les esprits, anges, démons, êtres élémentaires, était appréhendé au travers des traités médiévaux et antiques ou de la sensibilité - par exemple chez Louis Rendu, qui parle des vents comme de volontés liées les unes aux autres, d’esprits célestes qui passent et s’éloignent, pour reprendre une expression de Lamartine.
 
Bref, une époque tout à fait passionnante, quoique limitée par le conservatisme.

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